Le logement intermédiaire en France : état des lieux & analyse comparative des dispositifs fiscaux incitatifs (Pinel vs. LLI)

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Les points clés

Le logement intermédiaire est socialement nécessaire

  • Le logement intermédiaire est primordial dans les zones dites tendues pour compléter l’offre de logement social d’une part et du marché libre d’autre part. Il s’adresse surtout aux classes moyennes et aux jeunes ménages qui sortent du champ du logement social en raison de leurs revenus et qui souhaitent résider dans les zones géographiques où le marché immobilier est tendu, c’est-à-dire dans des zones – ou à proximité de zones – où le niveau d’activité est élevé (taux de chômage faible, densité entrepreneuriale élevée, solde démographique positif, faible taux de vacances, etc.). L’objectif est de permettre à des populations qui sont en emploi de venir loger à distance raisonnable de leur travail, et ainsi permettre de limiter le phénomène d’éloignement du lieu de résidence principale et du lieu de travail débuté depuis le milieu des années 1970.

Un seul dispositif a vraiment été efficace jusque-là : la défiscalisation

  • Parmi les trois principaux dispositifs mis en place pour inciter la construction de logements intermédiaires (Prêt Locatif Intermédiaire ou PLI, défiscalisation avec aujourd’hui le Pinel, Logement Locatif Intermédiaire ou LLI), seule la défiscalisation s’est montrée véritablement efficace. Jusqu’à présent, la défiscalisation (avec 552 mille logements, dont 197 mille pour le Pinel) surpasse le volume de logements créés via les financements aidés : 145 mille logements pour le PLI et le LLI pour développer l’offre intermédiaire. Ces chiffres ne reflètent toutefois pas le stock total de logements intermédiaires créés depuis 20 ans grâce aux dispositifs fiscaux incitatifs pour les bailleurs particuliers : nous estimions le nombre de logements intermédiaires créés à 930 mille entre 2000 et 2018 (cf. « Étude d’évaluation des dispositifs fiscaux incitatifs soutenant l’investissement dans l’immobilier locatif neuf »). Cette érosion naturelle du stock de logements intermédiaires vient du fait que ces derniers conservent un statut d’intermédiaire uniquement pendant des durées prédéfinies (par exemple, 6, 9 ou 12 ans pour un logement bénéficiant du dispositif Pinel).

Les principaux résultats de notre étude d’évaluation

  • Le crédit d’impôt Pinel rend le fléchage fiscal efficace : il est plus intéressant d’investir dans du Pinel (entre 1,4 % et 1,6 % de rentabilité locative hors vente du bien selon les scénarii étudiés) que dans du droit commun (0,6 %).
  • L’essentiel de la rentabilité d’un investissement immobilier repose sur l’effet de levier qu’autorise le prêt immobilier : deux tiers pour un investissement Pinel (entre 4,7 % et 4,8 % annuels de rentabilité finale selon les scénarii étudiés), et même 80 % pour du droit commun (4,3 % de rentabilité finale).
  • Avec une rentabilité annuelle totale entre 4,7 % et 4,8 %, l’attractivité du Pinel vis-à-vis des autres actifs reste limitée et va se dégrader avec les nouvelles mesures votées dans le cadre du PLF 2022. A titre de comparaison, les actions françaises ont affiché un rendement total de 5,4 % par an au cours des 20 dernières années.
  • Selon nos estimations, le rendement annuel d’un OPCI investissant dans un logement intermédiaire atteindrait -1,4 % annuel à périmètre constant : la somme des charges inhérentes à l’accumulation des intermédiaires intervenant dans le dispositif LLI dépasserait systématiquement les recettes générées par les loyers et le crédit d’impôt, entrainant un rendement locatif négatif pour l’investisseur final.
  • Il faudrait baisser de 60 % les frais de gestion (de 1,8 % initialement à 0,75 % de l’actif brut) pratiqués par les sociétés de gestion pour que les loyers et le crédit d’impôt compensent simplement les charges.
  • Même sans prendre de charges pour la société de gestion, la rentabilité locative n’atteindrait que 0,7 % annuelle contre entre 1,4 % et 1,6 % pour le Pinel selon les scénarii étudiés.
  • La seule source de rentabilité dans ce mécanisme serait issue de la plus-value encaissée à la revente… ce qui constituerait un mauvais signal pour le stock de logements intermédiaires et pousserait à la hausse les prix de transactions.
  • Selon nos calculs, il faudrait plus d’un an pour que les revenus locatifs sans aucuns frais de gestion compensent les frais d’entrée dans l’OPCI.
  • Pour un logement intermédiaire construit, nous n’avons pas identifié de différences notables en termes de recettes fiscales générées par l’Etat entre le Pinel et le LLI : la construction d’un logement Pinel pour l’Etat atteindrait entre 40k€ et 46k€ selon les scénarii étudiés, contre 42k€ pour un logement construit via du LLI.

Les principales observations en découlant

  • Au regard de la trop grande faiblesse des revenus générés par le plafonnement des loyers dans l’intermédiaire pour un OPCI, il faudrait pour que le dispositif LLI soit réellement en capacité de prendre le relais des dispositifs de défiscalisation en faveur des particuliers :
  • Moins d’investissement dans les travaux pour réduire les charges supportées par l’OPCI. Cette mesure serait, bien entendu, contre-productive à l’heure de l’accélération de la transition énergétique en cours.
  • Plus de risques pris sur la part d’actifs non immobiliers détenus par l’OPCI. Cela entrainerait une distorsion dans le risque acheté par l’investisseur final, qui s’oriente la plupart du temps vers l’immobilier pour son statut de valeur refuge et de bon levier pour se constituer un patrimoine en préparation de la retraite.
  • Plus de coûts pour les finances publiques pour compenser la faiblesse structurelle du rendement locatif pour l’OPCI : nous évaluons la prise en charge supplémentaire par l’Etat par rapport au dispositif LLI actuel à 80 % du prix du logement, pour que la rentabilité de l’OPCI soit équivalente à celle du Pinel hors levier… contre seulement 21 % maximum du prix bien dans le cadre du dispositif Pinel actuel.
  • Même en faisant l’hypothèse de l’activation des leviers précédents permettant de rétablir une rentabilité hors effet de levier équivalente au Pinel, cela ne devrait pas être suffisant pour inciter le particulier à souscrire. En effet, une partie substantielle de la rentabilité des investissements dans le logement intermédiaire via du Pinel provient de la possibilité de les réaliser via un emprunt conséquent (la proportion de dette atteignait 88 % du montant investi ; cf. étude publiée en 2019 sur le sujet). L’effet de levier ainsi mobilisé permet de maximiser la rentabilité structurellement faible du fait du plafonnement des loyers rendant l’investissement Pinel concurrentiel avec les autres actifs traditionnels. Or, les difficultés d’acquérir une part d’OPCI via un emprunt rendront quasiment impossible pour l’investisseur final la possibilité de faire jouer autant l’effet de levier pour maximiser sa rentabilité. Ce constat rend les objectifs de rentabilité brute pour un OPCI d’autant plus élevés : le rendement proposé par ce type de produits devra être structurellement plus élevé que celui d’un investissement Pinel hors effet de levier pour être aussi attractif pour un investisseur final. Si ce n’est pas le cas, il est probable que les investisseurs finaux se détourneront de ce type de produits, amenant à une réduction du nombre de logements intermédiaires construits.
  • Enfin, il existe une différence structurelle en termes de « produit » acheté par l’investisseur final : un investissement via un OPCI est fondamentalement différent d’un investissement immobilier pur (donc d’un investissement dans un logement Pinel en direct ou via une SCPI Pinel), que ce soit en termes de sous-jacents pour le particulier, mais aussi de risque. En effet, un OPCI de type SPICAV est un produit hybride, constitué en moyenne de 60 à 65 % d’actifs immobiliers, mais aussi de 30 % d’actifs financiers (actions et obligations essentiellement) et 5 % de liquidités obligatoires. La moindre lisibilité de ce type de produits par rapport à un investissement immobilier en direct rendra de fait la commercialisation plus difficile de ce type de véhicule par rapport au Pinel.
  • Si aucun de ces leviers (baisse des frais d’exploitation immobilière et hausse du niveau de risque pour les actifs hors immobilier et du crédit d’impôt associé au LLI) n’est activé pour rétablir une rentabilité minimum pour l’OPCI dans un contexte de disparition du dispositif Pinel, nous estimons hautement probable un effondrement de la construction de logements intermédiaires en France, contribuant à l’accélération de la tension sur les prix de l’immobilier dans les zones tendues et excluant de fait les populations à revenus médians.

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