Une sorte de frénésie s’est récemment emparée de la scène médiatique pour clamer l’urgence d’une réforme du code du travail. La question posée nous paraît légitime parce que la France vit une transition d’un monde en expansion naturelle vers un environnement de croissance faible s’apparentant plutôt à de la stagnation, conséquence de notre patrimoine démographique.
Le constat actuel semble aujourd’hui partagé : conserver un cadre unique ne satisfait plus personne et surtout ne permet pas de faire baisser le chômage… Pour y remédier, les autorités devront prendre en compte les besoins des entreprises en y apportant des réponses pérennes. Voici les principes clés qui devraient, selon nous, sous-tendre cette réforme :
1. A quelle taille d’entreprises faisons-nous référence ? C’est probablement la clé de la réforme à engager, sachant que les problématiques sont la plupart du temps diamétralement opposées selon qu’on soit une TPE, une PME ou une grande entreprise. Il conviendra donc au préalable de tout changement de définir des statuts selon des critères de taille collant au plus près de la démographie des entreprises françaises.
2. Accroître la compétitivité pour les 5 secteurs d’activité français (matériel de transport, biens de consommation, biens intermédiaires, biens d’équipement, tourisme) les plus fortement soumis à une concurrence internationale (1) . Adaptons le coût et le temps de travail pour ces derniers afin qu’ils restent compétitifs, sans prendre le risque de l’étendre aux autres, afin d’éviter de tomber dans une dynamique dangereuse de déflation généralisé des salaires qui aboutirait à coup sûr à la transformation de la stagnation en récession.
3. Tirer parti des disparités géographiques en incitant les entreprises à s’installer dans les régions où le coût de la vie est plus faible. Elles profiteraient d’une main d’œuvre attractive tout en contribuant à la cohésion territoriale et à une meilleure répartition de la création de richesse sur le territoire.
4. A l’aune des deux révolutions actuelles (numériques et démographiques), quelles sont les spécificités des métiers considérés ? Dans la « silver economy », par exemple, de nombreux emplois de services pourraient se développer avec l’explosion à venir du nombre de retraités… mais cette demande potentielle verra sa solvabilité sous contrainte. Pour profiter de ce gisement d’emplois, il conviendra alors de s’assurer que le coût de production du service ne soit pas supérieur à ce que peuvent payer les clients potentiels.
En conclusion, pour créer les conditions optimales lui permettant d’exprimer son potentiel dans un environnement durable de faible croissance, les autorités devront d’abord s’astreindre à mieux connaitre ce qu’est véritablement le tissu entrepreneurial français pour identifier ses forces et ses faiblesses, puis faire preuve d’un pragmatisme à tout épreuve permettant de lui apporter clarté et surtout stabilité, véritables pierres angulaires de la politique d’embauches et d’investissement de toute entreprise, grande ou petite.
(1) Sur un total de 13 secteurs, cf. notre article « Le « made in France » : une solution au problème de la désindustrialisation ? » du Décryptage n° 15 (octobre 2014)