En faisant exploser le nombre de retraités par rapport aux actifs en emploi, le vieillissement en cours met sous pression l’ensemble des systèmes de retraite des pays riches, qu’ils soient par répartition ou par capitalisation. Pour éviter l’implosion, il n’existe que 3 leviers :
- Le recul de l’âge moyen de départ à la retraite
- L’augmentation du taux de cotisation
- Le recul du niveau des retraites
La mesure la plus fréquemment préconisée est celle du relèvement de l’âge du départ à la retraite, réforme indispensable pour retrouver un équilibre entre prestations et cotisations. Les résultats sur ce plan ne sont en réalité pas automatiques : le décalage de l’âge théorique de départ à la retraite (via le recul de l’âge légal, la hausse de la durée minimale de cotisation ou encore des incitations financières) n’entraîne pas un recul équivalent de l’âge effectif de départ, la principale explication étant la faiblesse du taux d’emploi des séniors. En effet, inciter à un départ plus tardif sans favoriser dans le même temps l’emploi des personnes concernées est inefficace en termes de rééquilibrage des régimes de retraites : cela se traduit soit par des pertes de cotisations, soit par des transferts de dépenses sociales entre assurance retraite et assurance chômage par exemple.
Or dans ce domaine la France fait figure de mauvais élève des pays riches avec un taux d’emploi des 55-64 ans, qui a certes fortement progressé depuis 10 ans (cf. graphique ci-dessus), mais qui atteignait seulement 48.1% fin 2014. Alors que le taux d’emploi global (64.2% pour les 15-64 ans) est de moins de 5 points inférieur à celui des Etats-Unis (68.7%), le taux d’emploi des séniors Français est de plus de 12 points inférieur à celui des séniors Américains. La France, tout comme l’Espagne et l’Italie, fait d’ailleurs figure d’exception, les autres grands pays industrialisés affichant clairement un niveau d’emploi des 55-64 ans corrélé avec l’âge de sortie du marché du travail, même s’il est partout inférieur au taux d’emploi global (cf. graphique ci-dessous). Maintenir les 55-64 ans plus longtemps dans l’emploi (et à des postes qui leur sont adaptés) constitue donc le principal enjeu pour les pays confrontés aux problèmes de financement posés par l’augmentation du nombre de retraités (à savoir tous les pays riches). A cet égard le Japon, frappé dès le début des années 90 par le vieillissement de sa population, a su s’adapter en permettant aux salariés de plus de 55 ans de trouver aisément du travail. De ce fait, le taux d’emploi des séniors (69.2%) se rapproche aujourd’hui du taux d’emploi de l’ensemble de sa population en âge de travailler (72.9%).
L’enjeu de l’emploi des plus de 55 ans est d’autant plus important qu’il permet non seulement de régler une partie du déficit des régimes de retraites, mais aussi de diminuer le taux de chômage global [1]. En effet, contre les idées reçues, l’emploi des séniors n’est pas en compétition avec celui des plus jeunes : le surplus de revenus qui leurs revient se traduit plutôt par un maintien de leur solvabilité, et donc par plus de consommation (notamment de services, secteur particulièrement porteur pour les jeunes salariés). Si le sujet de l’âge de départ à la retraite n’en est plus vraiment un aujourd’hui (le recul étant acté presque partout), reste donc à s’attaquer au véritable enjeu de l’emploi des séniors, sans quoi les réformes mises en œuvre pourraient s’avérer bien moins efficaces qu’espéré.
[1] A l’exception de certains pays comme les Etats-Unis ou l’Australie. Cf. l’étude Natixis « Flash Economie » n°622 du 12 septembre 2013