Après que la BCE a acté une politique de création monétaire de grande ampleur (près de 800 milliards de liquidités déversées en un an sur les marchés financiers) et imposé des taux négatifs aux banques (devancée uniquement par la Banque du Japon sur ce plan), certains évoquent désormais la possibilité (incongrue) de la mise en place d’un « helicopter money » sur le Vieux continent, ce qui reviendrait à donner directement des liasses de billets aux citoyens européens…
Mais que se passe-t-il donc à la tête de l’institution, pourtant connue pour son orthodoxie héritée de la Bundesbank ? Serait-elle victime d’un effet de mode qui dure depuis 6 ans et qui consiste à faire se substituer les Banques Centrales aux gouvernements élus, qui semblent être installés sur des strapontins ? Ou cèderait-elle aux sirènes répétées des marchés financiers, pris de vertige au moment où l’économie mondiale vacille, pays émergents en tête ?
Le vieillissement de la population à l’origine de la déflation
Un tel comportement est d’autant plus surprenant que la zone euro est le seul endroit au monde qui pourrait se passer d’une politique de création monétaire, contrairement au Japon, au Royaume-Uni ou encore aux Etats-Unis, qui doivent financer chaque mois des déficits de grande ampleur. Pourquoi ? D’un point de vue agrégé les pays européens génèrent suffisamment d’excédents en interne (à travers une balance courante positive et un taux d’épargne supérieur au taux d’investissement) pour financer les faibles déficits publics de la zone. Au final en 2015, c’est un excès de 5% du PIB qui a été accumulé en zone euro, permettant de garder des taux souverains et corporate bas ainsi que de faire monter les actions. Alors pourquoi y ajouter encore 6% du PIB avec un Quantitative Easing, portant l’excès d’épargne à investir à 11% du PIB ?
Certains avancent qu’une telle politique est la seule capable de briser les pressions déflationnistes en cours sur le territoire européen. Nous ne souscrivons pas à cette thèse car les pressions déflationnistes ne proviennent pas d’un déficit d’offre de financement, mais bien d’un problème structurel : le vieillissement des populations européennes (comme celui du Japon avant elles) entraîne une faiblesse prédictible de la demande. Dans ces conditions, le QE européen revient à essayer de faire boire un âne qui n’a plus soif… périlleux exercice !
« Attention à la défiance sur la valeur monnaie »
Quelles sont les conséquences prévisibles d’une telle politique monétaire ? Aucune sur le plan de l’économie réelle, à l’image de ce qui se passe au Japon depuis quatre ans. L’explosion de la liquidité entraînera par contre une augmentation de l’ampleur et de la brutalité des mouvements sur les marchés financiers, comme on le constate déjà depuis le milieu de l’année dernière. Enfin, le risque le plus grand à moyen terme est un mouvement de défiance généralisé envers la valeur de la monnaie européenne : émettre plus de billets quand la richesse créée stagne n’a qu’une conséquence, faire baisser la valeur de ces derniers !
Finalement, la BCE ne fait qu’acheter du temps, sans apporter aucune solution aux problèmes structurels de la zone.