Après plusieurs mois de spéculations intenses, le tant attendu accord entre les pays producteurs de pétrole afin de soutenir les cours s’est matérialisé fin septembre. L’issue de la réunion d’Alger semblait pourtant bien incertaine alors que l’Iran et la Russie avaient fait part dans les jours précédents leur volonté de ne pas participer à une discussion sur un plafonnement de la production. Ainsi, les pays producteurs ont crée la surprise avec cet accord. Pour autant, cette décision de ramener la production de pétrole des pays de l’OPEP entre 32.5 et 33 millions de barils par jour ne dégage pas complétement l’horizon pour le prix du pétrole.
Les pays de l’OPEP font toujours face à un dilemme générant des pressions contradictoires sur les prix
En effet, il faudra d’abord que les pays concernés (la Russie a laissé entendre qu’elle pourrait s’y joindre) se mettent d’accord sur la contribution de chacun à la réduction de la production, sujet qui devrait officiellement être abordé lors de la prochaine réunion des pays de l’OPEP à Vienne fin novembre. Au cours des derniers mois, l’Arabie Saoudite n’a ainsi pas vraiment donné la preuve de suivre une démarche de coopération, liquidant une partie de son stock de pétrole avec une stratégie commerciale agressive (en proposant son pétrole à un prix inférieur aux prix internationaux).
En outre les pays de l’OPEP font toujours face à un dilemme générant des pressions contradictoires sur les prix :
- Des prix trop bas sont insoutenables pour leurs économies. Notre note de risque (1) montre que l’Arabie Saoudite, bien que disposant de réserves de change abondantes, est dans une position très délicate, avec un niveau de risque élevé alors même que le pays doit assumer un rôle de leader dans la région, et qu’elle est parmi les 3 principaux producteurs. L’annonce récente d’une baisse des salaires des ministres et membres du conseil de la Choura illustre bien les difficultés financières du pays, dont le déficit a atteint 15% du PIB en 2015. Certes le pétrole a bondi de +15% depuis l’annonce de l’accord, et même de +90% depuis le mois de janvier, passant de 28 à 52$ le baril. Si cela donne indéniablement une bouffée d’oxygène aux pays rentiers, le cours actuel reste insuffisant pour restaurer leur situation financière et éloigner véritablement les troubles sociaux (en lien avec un resserrement des dépenses publiques). L’annonce de l’accord fin septembre, alors même que les cours avaient déjà nettement remonté, confirme d’ailleurs la nécessité d’un prix plus élevé => facteur haussier sur les prix
- Une réduction de la production visant à faire remonter fortement les prix serait contreproductive car permettrait une nouvelle hausse de l’offre en provenance des producteurs de pétrole de schistes en particulier. La production de pétrole aux Etats-Unis s’est ainsi stabilisée entre 8.4 et 8.5 millions de barils/jour depuis le mois de juillet (un plus haut de 9.6 millions de barils/jour a été atteint en juin 2015). Le nombre de forages a en outre progressé de +34% depuis le mois de mai, après avoir chuté de -80% en 2 ans. Au-delà de 60$ le baril, une partie des producteurs américains redeviendrait rentable. => facteur baissier sur les prix
D’un point de vue structurel, il est vrai que l’excès d’offre s’est un peu résorbé par rapport au début d’année, à moins de 500 000 barils par jour aujourd’hui contre plus de 2 millions en 2015. Toutefois, la faiblesse de la croissance mondiale (attendue à peine au-dessus de +3% en 2016 et 2017 par le FMI) ainsi que le probable déraillement à venir de la croissance chinoise (qui résiste pour le moment grâce au levier du crédit) et le pilotage des prix par l’OPEP militent selon nous pour le maintien d’un prix du pétrole en dessous de 60$ à moyen terme. A moins qu’un accident (géo)politique n’intervienne, dans un contexte où les tensions sociales dans les pays rentiers sont de plus en plus exacerbées…
PrimeView a publié une étude complète sur le sujet des pays producteurs de pétrole en août 2016 (« Pétrole : les pays producteurs sont résilients…pour combien de temps ? »).
(1) Pour estimer le risque associé à chaque pays, nous avons calculé une note de risque qui traduit l’écart à la moyenne des pays producteurs de 9 indicateurs :
• Ecart entre la croissance en 2014/2015 et la croissance moyenne entre 2005 et 2013
• Variation cumulée en 2014 et 2015 de la balance courante (en % du PIB)
• Niveau des réserves de change (hors Chine)
• Variation des réserves de change entre le T4 2013 et le T2 2016
• Variation cumulée en 2014 et 2015 du déficit public (en % du PIB)
• Variation de la dette publique anticipée entre 2015 et 2020 (% du PIB)
• Variation de l’inflation entre janvier 2014 et juillet 2016
• Poids des revenus du pétrole dans le PIB
• Variation des subventions à l’énergie entre 2013 et 2015